- TRACHYTES ET PHONOLITES
- TRACHYTES ET PHONOLITESLes anciens géologues appelaient trachytes des roches volcaniques claires et rugueuses ( 精福見﨑羽﨟: raboteux), et réservaient le nom de phonolites ( 﨏諸益兀: son, 晴礼﨟: pierre) à des roches assez voisines, mais sonores sous le marteau, en raison essentiellement de leur débit en plaquettes. Dans les classifications actuelles, les trachytes sont les équivalents effusifs des syénites (roches alcalines saturées) et les phonolites correspondent aux syénites néphéliniques (sous-saturées). Lorsque la teneur en calcium augmente, on passe respectivement aux latites , uniquement feldspathiques, ou aux téphrites , à feldspathoïdes abondants. Le tableau donne la composition chimique moyenne des types de roches ainsi définis, ainsi que leur composition normative, limitée aux éléments blancs. On peut rapprocher de ces roches les laves à leucite, parfois appelées leucitophyres , et que leur richesse en calcium et en éléments colorés place souvent dans la catégorie des téphrites.La morphologie des gisements des trachytes et des phonolites, en dômes ou en pitons d’aspect souvent spectaculaires, est très caractéristique. Mais ces roches sont assez rares; elles constituent le terme ultime de la différenciation des basaltes alcalins, suivant un processus assez simple dans le cas des phonolites, sensiblement plus complexe dans celui des trachytes.Composition minéralogiqueLes trachytes et les phonolites sont des roches volcaniques leucocrates à hololeucocrates beiges à grises pour les trachytes et verdâtres pour les phonolites. Elles sont tantôt aphyriques, tantôt légèrement porphyriques. L’altération rapide de la néphéline et/ou des feldspaths alcalins confère à ces roches un aspect parfois crayeux. Les laves leucitiques, plus riches en minéraux ferromagnésiens, sont franchement mésocrates.Les constituants les plus abondants, aussi bien en phénocristaux qu’en microlites, sont les feldspaths alcalins de la série anorthose-sanidine, les laves potassiques étant riches en sanidine et les variétés sodiques plus riches en anorthose. Des plagioclases zonés se rencontrent assez fréquemment dans tous les types de roches.Les phonolites contiennent de la néphéline et des feldspathoïdes cubiques. La néphéline, généralement en tablettes automorphes millimétriques, peut être aussi présente en microlites discrètement répartis dans la mésostase. Les autres feldspathoïdes, noséane jaunâtre ou noirâtre selon la teneur en fer, sodalite et hauýne de couleur bleu-violet, sont facilement perceptibles à l’œil nu malgré leurs faibles dimensions.Le quartz est toujours exprimé minéralogiquement dans les trachytes comenditiques et les comendites. Élément de fin de cristallisation, il se présente en cristaux xénomorphes moulant les feldsphaths et peut être accompagné de plaquettes de tridymite. La leucite et la pseudoleucite cristallisent sous forme de trapézoèdres blanc laiteux à vingt-quatre faces et peuvent parfois être confondues avec l’analcime, minéral secondaire isomorphe d’origine fumerollienne.Quantitativement bien moins représentés que les minéraux blancs, les minéraux ferromagnésiens sont variés. Il s’agit de rares olivines vert pâle, proches de la fayalite, de clinopyroxènes titanifères calciques de la série ferroaugite-hédenbergite et plus fréquemment de pyroxènes sodiques voisins des ægyrines. Des amphiboles diverses telles que les hornblendes brunes (kaersutites, pargasites), généralement en grands cristaux allongés à bordure oxydée, des richtérites et des arfvedsonites, ainsi que des biotites titanifères et même des phlogopites constituent l’essentiel des minéraux colorés.Les minéraux accessoires sont: de la magnétite sous forme d’octaèdres, parfois partiellement remplacée par des sulfures (pyrite, marcassite), des baguettes d’ilménorutile (Nb, Ta), des carbonates divers (Ca, Fe, Mg, Mn), du sphène et de l’apatite (F, Cl).On rencontre aussi des minéraux rares, comme l’ænigmatite, la katophorite, l’andradite (grenat titanifère), la villiaumite, l’eudialyte, la lavénite, le pyrochlore (Nb, La, Ce, Zr) ou la mosandrite, titanosilicate de zirconium riche en terres rares qui remplace l’association sphène-zircon dans les roches agpaïtiques.Texture et structureLa texture de ces roches est typiquement microlitique, avec une orientation très marquée et une torsion fréquente des lattes feldspathiques: on en fait parfois le type de la texture trachytique . Les trachytes typiques sont souvent assez vacuolaires, alors que les phonolites sont beaucoup plus compactes. Du point de vue de l’agencement respectif des minéraux blancs et des minéraux colorés, on distingue la texture miaskitique , dans laquelle les ferro-magnésiens sont automorphes et précoces, et la texture agpaïtique , où les pyroxènes, généralement très sodiques, moulent feldspaths et feldspathoïdes. Ces deux évolutions différentes dans le cours de la cristallisation se retrouvent dans les roches plutoniques homologues et, de manière plus générale, dans l’ensemble des roches alcalines. La structure est parfois prismée, avec souvent un débit caractéristique en plaquettes, qui a fait longtemps utiliser les phonolites du Massif central comme matériau de couverture (lauzes). On notera que toutes ces roches peuvent se présenter sous forme de ponces et de verres (cf. roches VITREUSES).Conditions de gisementDans l’ensemble des produits visibles du volcanisme, les laves trachytiques et phonolitiques ne représentent guère plus de 0,1 p. 100 du total, et cette proportion serait encore plus faible si l’on tenait compte du volcanisme sous-marin. On rencontre ces roches aussi bien dans les îles intra-océaniques (Canaries, Ascension) que dans les zones continentales (Velay, Hoggar), où elles peuvent avoir localement une fréquence beaucoup plus élevée: on observe par exemple dans l’Atakor 5 p. 100 de trachytes et 13 p. 100 de phonolites environ. Ces roches se présentent surtout sous forme d’aiguilles ou de coupoles, assez rarement en courtes coulées. Ces différences de comportement proviennent essentiellement de l’état de cristallisation au moment de la mise en place: lorsque le magma est à environ 1 000-1 100 0C, la fusion est quasi totale et la viscosité, de l’ordre de 105 à 106 Pa.s, permet un étalement assez facile. Aux environs de 900-1 000 0C, la masse est presque entièrement cristallisée; elle se comporte comme un solide sous de faibles pressions et comme un fluide sous des contraintes élevées. On comprend ainsi qu’elle puisse faire lentement extrusion par une cheminée subcylindrique et qu’elle se fige très rapidement, sans variation notable de température, par sa seule décompression en surface.On notera que les laves leucitiques forment généralement de vraies coulées (éruption du Vésuve, 1944) et que l’explosion du Vulcano en 1890 correspondait à une émission d’obsidiennes et de ponces trachytiques.Origine des magmas correspondantsUn des points les mieux assurés de la volcanologie est l’association des phonolites et des trachytes avec les basaltes de type alcalin, c’est-à-dire à olivine et à néphéline normatives: on parle couramment à ce propos de série alcaline . L’origine des phonolites ne pose pas de problèmes théoriques, car la cristallisation fractionnée des basaltes considérés fournit nécessairement, après élimination des ferromagnésiens et des plagioclases basiques, un liquide résiduel riche en albite et néphéline virtuelles. D’une manière plus précise, les études expérimentales ont montré l’existence d’eutectiques à composition de phonolite dans le système NaAlSi4-KAlSi4-Si2, à sec ou en présence d’eau sous pression.Les trachytes parfaitement équilibrés sans quartz ni néphéline ne sont pas fréquents. Il existe dans la nature tous les stades de transition entre les trachytes quartzifères et les phonolites proprement dites riches en feldspathoïdes, ce qui rend artificielle toute séparation entre ces deux groupes de roches. Il est, par contre, possible de distinguer schématiquement deux ensembles de trachytes en fonction de leur position par rapport à l’eutectique feldspathique dans le système Si2-néphéline-kalsilite: celui des trachytes comenditiques et des comendites et celui des trachytes alcalins légèrement sous-saturés.Pour expliquer cette diversité de types pétrographiques, on a évoqué soit l’existence de magmas de nature trachytique issus de basaltes alcalins initiaux, soit l’assimilation par fusion partielle de matériaux sialiques. Dans le premier cas, le magma trachytique correspond au stade ultime d’un fractionnement progressif de minéraux colorés suivi de celui de plagioclases; dans le deuxième, l’influence crustale se manifeste au niveau des réservoirs magmatiques par l’intermédiaire de la température T, de la fugacité de l’oxygène (f O2) et de la pression totale de l’eau (p H2O).Un troisième processus est fréquemment avancé aujourd’hui: le mélange de magmas. Ce mécanisme implique l’existence d’une chambre magmatique stratifiée et/ou celle de réservoirs superficiels périodiquement réalimentés.Des mélanges de magmas trachy-comenditiques et basaltiques ne sont pas rares dans les zones de rift comme le Kenya, et le calcul a montré que la densité des mélanges est en grande partie contrôlée par celle des composants volatils et la quantité de fer présente dans le milieu.Les conditions d’oxydoréduction influent également sur l’ordre de cristallisation des minéraux. En milieu fortement réducteur, il y a fractionnement précoce des ferromagnésiens et formation de roches miaskitiques. Dans des conditions un peu plus oxydantes, il y a dépassement de l’eutectique à composition de phonolite, enrichissement en alcalins, et l’ordre de cristallisation s’inverse. Il se forme des roches agpaïtiques dans lesquelles les feldspaths alcalins précèdent les autres phases minérales.D’une façon générale, les magmas agpaïtiques contrastent assez fortement avec les autres types de magmas. Les températures de cristallisation qui s’échelonnent sur des intervalles de l’ordre de 300 0C y favorisent les processus extrêmes de différenciation. Ces caractéristiques sont en bon accord avec les résultats de travaux expérimentaux où il a été prouvé que ces magmas qui sont étonnamment «secs» se sont formés dans des conditions avoisinant celles du tampon quartz-fayalite-magnétite (Q-F-M). L’association paragénétique: ægyrine-ænigmatite-arfvedsonite n’est en effet stable que sous les conditions du tampon Q-F-M. Une légère augmentation des fugacités d’oxygène provoque la déstabilisation de l’ænigmatite; à l’inverse, une baisse de f O2 entraîne la disparition de l’ægyrine.L’étude conjointe de liquides silicatés intracristallins et celle de l’homogénéisation d’inclusions fluides dans des phénocristaux de néphéline ont permis d’avancer des températures de formation de 1 010 0C à 730 0C pour les agpaïtes et de confirmer le caractère anhydre du magma initial.Le volcanisme leucitique, plus rare, est semble-t-il lié aux zones d’affaissement sur le bord interne des arcs orogéniques. Pour expliquer l’existence de magmas très potassiques sous-saturés, de nombreux processus ont été imaginés: métasomatose sialique, contamination croissante de magmas basanitiques ou néphélinitiques par des fluides carbonatitiques, genèse mantellique profonde suivie de fractionnements cristallins infracrustaux ou encore enrichissement pneumatolytique et flottation de feldspathoïdes. Les travaux récents accréditent également l’hypothèse de mélanges de magmas (Vésuve, arc indonésien...).Dans tous les cas, il faut insister sur le rôle des fluides dans la genèse et l’évolution des magmas envisagés, qui ont permis leur enrichissement en éléments rares pneumatophiles (F, Cl, Zr, lanthanides) et qui jouent un rôle déterminant sur leur cristallisation par l’intermédiaire des fugacités d’oxygène.
Encyclopédie Universelle. 2012.